– « C’est comme ça chaque année ! Voilà la 2013ème année que l’on part trop tard… on devrait le savoir pourtant… Suivre l’étoile du Berger…! Il doit bien exister d’autres façons plus rapides depuis le temps ! » maugrée le jeune Gaspard.
– « Cessons ces palabres inutiles » répond le sage Melchior, « et mettons- nous en chemin pour aller voir cet enfant roi. »
– « Dis-donc Balthazar, t’aurais pas une cigarette ? »
– « Pas question ! C’est mauvais pour toi! avance tu perds du temps Gaspard. »

C’est ainsi que chargés de myrrhe, d’encens et d’or nos trois grands rois cheminent nuit après nuit guidés par l’étoile. La lueur est faible, leurs pieds sont las, mais ils savent qu’au bout du chemin il y a cet enfant adoré.

– « Dis donc, Melchior, tu ne trouves pas qu’on fasse démodés avec nos turbans, nos grandes robes à ramages, nos ornements dorés? est-ce la mode maintenant? »
– « Ne t’en fais pas, nous sommes trois grands rois chargés de beaux présents pour cet enfant »
– « oui… d’accord, mais les enfants de maintenant, crois-tu qu’on leur offre encore de l’or, de la myrhe et de l’encens? »
– « Arrête ton char Gaspard!! Regarde seulement cette bonne petite étoile qui nous guide dans la nuit… »

Ainsi, pas après pas, le 6 janvier, à la tombée du jour , nos trois Mages arrivent à Dijon près de jardin Darcy… peut-être un tantinet égarés…
Paulo et Marcel qui ferment le jardin ce soir-là n’en croient pas leurs yeux.

– « Marcel! vise un peu ces trois gugus qui débarquent! on a pourtant rien bu ! »
– « Bonsoir M’ssieurs, on peut vous aider ? »
– « Voilà c’est que nous avons cheminé de longues nuits guidés par l’étoile du Berger, pour voir l’enfant roi, ce fils qui est notre sauveur. Nous lui apportons de magnifiques présents: l’or, la myrrhe et l’encens »
– « Dites donc les gars!… vous y êtes plus du tout!
Les gosses de maintenant y naissent avec un portable, y veulent des consoles, des tablettes numériques, des iPod,… de l’internet. Ils ont 1000 amis sur “Facebook” mais, bon , y connaissent pas leurs voisins de palier! »
– « ? »
– « Nous cherchons une étable avec une mère et son enfant… »
– « Hé Paulo! c’est des drôles ceux-là! on dirait »
– « Maintenant les gars, il existe des GPS pour trouver son chemin y a belle lurette qu’on r’garde plus une étoile! ah ah ah !! Et pis pour l’étable, on a pas çà ici, hein Marcel ? »
Les deux compères se tordent de rire.
– « Bon alors vous cherchez qui au juste ? »
– « l’enfant roi, notre sauveur ! »
(Paulo glousse: c’est pire que c’que j’croyais !!)
– « Bon, ben, M’ssieurs pour voir des loupiots, vous trouverez ça à la maternité!
Prenez donc le TRAM… il est tout neuf, y va bien vous emmener voir çà, des mômes de toutes sortes, des rois, et des autres!! surtout des autres!. »
– « (ah ah ah ! ah ben on a des cas, mais ceux-là, c’est d’la haute!! ricanent Paulo et Marcel) »

Melchior, Balthazar, Gaspard serrent leurs présents contre eux et comme ils ne comprennent rien à tout ce charabia, s’éloignent dignement.
Ils constatent tristement des trottoirs jonchés de sapins déplumés, abandonnés, des victuailles regorgeant des poubelles… quelle drôle de vie pensent-ils; des gens marchent dans la rue sans les voir, en parlant à une petite boîte contre leur oreille… certains ricanent en les croisant

– « C’est pourtant pas carnaval »

Avançant dans la ville, les voilà près de la Cathédrale. Sur un petit coin de trottoir éclairé d’une bougie, une toute jeune femme recroquevillée par le froid, tient contre elle un nouveau-né enveloppé dans de vieilles loques; un grand gars maigre et blême, se tient là, près d’elle et l’enfant avec deux chiens.

– « Bonjour! nous cherchons l’enfant roi » demande Melchior, se penchant vers la jeune femme groguie.
« Ah… celui-là …il est pas roi, pour sûr! Il démarre avec pas grand-chose le pauvre. »
– « On l’a appelé Noël… pas trop d’idées… mais comme il est né le 25 décembre… »
« Marie (dis le grand gars sec) montre le p’tiot à ces messieurs,pour une fois que quelqu’un s’intéresse à nous! »

Mon Dieu, qu’il est beau s’exclament les Rois-Mages qu’il est charmant que ses grâces sont parfaites!

– « Ah, tu vois Marie j’tavais bien dis qu’ce nom allait porter chance au gamin.( Les deux chiens tournent!) Assis Anne et Bœuf! ouais, on les a appelés comme çà, car l’un est têtu comme un âne, l’autre fort comme un Bœuf! »
– « et vous vous appelez Joseph? » demande Balthazar.
– « Banco les gars! ouais! mais on m’appelle Jo depuis toujours »

Au pied de l’enfant, il y a la myrrhe, l’or, l’encens et une lueur soudaine éclaire toute cette petite famille! Âne et Bœuf s’agitent joyeusement comme s’ils avaient trouvé un os magique.
Sur le visage de la petite Marie coule une larme de joie.

– « Mission accomplie » chuchote Gaspard!
« Les gars, on doit repartir à présent.
Tout ira bien pour ceux-là!! »
– « C’est quoi cet instrument pour aller plus vite au fait?..; un GPS? »
– « N’y pense même pas, » répond le sage Melchior…
« une étoile ne tombe jamais en panne! »

B.M