Je m’appelle Berthine Marceau; née à la campagne dans les années cinquante.

Les pinceaux, le bricolage ont occupé toute mon enfance.

C’est devenu mon métier :
“peintre, bricoleuse, rêveuse”.

Voici toute l’histoire.

“Double six” ou l’amour de l’hiver.

Cet amour des saisons hivernales m’est venu dès l’enfance dans ce village de haute Côte-D’or où je suis née. Là-bas dans les années cinquante il n’y avait rien à acheter… donc tout à inventer.

Dès l’automne je pensais à Noël ! Et une collecte de petites choses trouvées dans la nature allaient me servir à la décoration du sapin et à l’installation de la crèche: coquilles de noix, marrons brillants, plumes d’oiseaux, brindilles de paille blonde, branchages aux formes étranges… tout m’enchantait dans ma folie créative! J’aimais la nuit qui tombait tôt; on allumait les lampes, la maison devenait un refuge chaleureux. Mon père revenait du bois au crépuscule et il avait alors du temps pour partager avec moi des parties de dominos endiablées ! “double six” criait il, radieux et fier d’entamer la partie.

Pendant ce temps, ma mère préparait la soupe; de bonnes odeurs envahissaient la cuisine, seule pièce chauffée par la cuisinière à bois, où nous vivions vraiment. Le froid arrivait vite.

Un matin de bonne heure, blottie sous mon édredon, un bruit inimitable et magique dans le silence, me réveillait : mon père grattait la neige avec une large pelle en bois. Je bondissais de mon lit et m’émerveillais derrière le vitre givrée de ma chambre : “il a neigé ! Il a neigé !”.

J’étais radieuse ; la neige toute fraîche faisait du village une carte de voeux. Ma luge était prête dans la remise à bois : une grosse luge lourde que papa avait fabriquée. Je jubilais en dévalant la pente devant la maison sans me soucier du froid mordant.

Noël approchait et maman cherchait un thème nouveau pour le sapin “dans les rouges, dans les roses, dans les bleus… le sapin aux oiseaux, aux papillons, le sapin aux pommes rouges, celui aux anges de paille…”

Tout était “fait maison” avec des petits riens et quelques tubes de gouache. J’enluminais soigneusement les personnages de la crèche fabriqués en été avec de l’argile de la rivière et j’imaginais la vie de ces petits santons parfois assez bancals.

 

Et puis st Nicolas arrivait!

Le soir devant la cheminée je lui laissais un café, une carotte pour son âne et comme le matin tout était disparu, je ne doutais pas une seule seconde de sa venue discrète, la nuit. Il m’avait offert une orange et quelques sucreries très précieuses dont le fameux Jésus en sucre rose. A la veille de Noël mon père rapportait de la forêt le sapin frais et odorant; on l’installait dans la pièce à côté de la cuisines appelée “ la pièce à côté ” .

Maman m’aidait à le décorer et chaque année on s’exclamait “c’est le plus beau, encore plus beau que l’an passé!”.

Les petits santons d’argile prenaient place dans la crèche à toit de paille, sauf le petit Jésus , bien sûr, qui attendait minuit.

Le repas de Noël était simple. Nous n’étions que mes parents et moi, mon oncle et ma grand-mère, qui s’endormait à table!

Mes chats avaient droit au “réveillon des chats” qui consistait surtout à poser leurs gamelles sur une jolie nappe de papier ajouré que je leur avais fabriquée.

A onze heures la cloche du village sonnait. Maman et moi bien emmitouflées allions à pied à l’église qui était assez loin, avec une lanterne, car le village était plongé dans la nuit noire. Quand la neige était là, c’était un instant de magie; les flocons dansaient dans la nuit de Noël ! Je sentais le bonheur.

 
C’est ainsi que sont nées mes amours d’hiver et qu’elles ont perduré. Depuis j’ai pu m’offrir un “petit bout d’hiver” perché devant la montagne dans le blanc de l’hiver… Je pense à la chanson de Charlebois “pour me marier avec l’hiver”… C’est ce que j’ai fait et c’est un amour qui dure…

 

Mes peintures racontent tout cela: le froid lumineux, l’attente, la maison chaleureuse, les lumières allumées, les préparatifs, les petits riens de l’enfance que l’on emporte pour traverser toute notre vie.